Réseau Déphy : réduire l'usage des pesticides grâce aux pratiques agronomiques

Emmanuel Drique, agriculteur à Bezu-Saint-Eloi, a complètement modifié ses pratiques pour réduire l'usage des pesticides ©Radio France - cp
Emmanuel Drique, agriculteur à Bezu-Saint-Eloi, a complètement modifié ses pratiques pour réduire l'usage des pesticides ©Radio France - cp
Emmanuel Drique, agriculteur à Bezu-Saint-Eloi, a complètement modifié ses pratiques pour réduire l'usage des pesticides ©Radio France - cp
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Les 3000 exploitations agricoles du réseau Dephy montrent que même en agriculture conventionnelle, il est de possible de réduire beaucoup le recours aux pesticides. Lancé en 2008 dans le cadre du plan Ecophyto, ce réseau réunit et accompagne les agriculteurs engagés dans une démarche volontaire.

A 55 ans, Vincent Leroux à une exploitation à Nojean-en Vexin. 154 hectares de cultures aujourd'hui très diverses - blé orge, colza, pois, betteraves sucrières, qu'il cultive avec le moins de chimie possible. Mais cela n'a pas toujours été le cas.
 "Il y a une trentaine d'années quand j'ai commencé à travailler avec mon père, c'était une agriculture de type intensif.   On était encadré par un centre d'études techniques agricoles. C'était la pleine époque des produits phytosanitaires. Les rendements étaient bons à l'époque. On nous proposait un programme un petit peu à la carte. En morte saison, on nous disait pour un blé tardif, vous allez prévoir trois fongicides à tel stade, à des dates précises. Et on suivait plus ou moins scrupuleusement le programme.   Avec le recul, je me suis rendu compte quand même que les rendements dépendaient
beaucoup plus de la nature, de la qualité des sols et puis un peu quand même du savoir-faire de l'agriculteur plutôt que des produits chimiques. Et j'ai quand même pris conscience du rôle que l'agriculture pouvait avoir sur l'environnement et la santé.  Depuis petit à petit, j'ai réduit les pesticides. Et même  fortement il y a trois ans maintenant"

En réduisant les pesticides, Vincent Leroux a aussi amélioré la qualité de l'eau autour de chez lui
En réduisant les pesticides, Vincent Leroux a aussi amélioré la qualité de l'eau autour de chez lui
© Radio France - catherine petillon

C'est-à-dire au moment où Vincent Leroux a rejoint un groupe local du réseau Dephy. Il a pu échanger avec d'autres agriculteurs engagés dans la même démarche. Comme Emmanuel Drique, installé à quelques kilomètres de là, à Bézu-Saint-Eloi. Lui aussi commencé par douter de l'intérêt économique de dépenser beaucoup en produits phytosanitaires pour un rendement finalement incertains. Puis la prise de consciences de risques pour sa santé, l'a fait infléchir ses pratiques. "Quand j'étais jeune, je ne me protégeais pas, je n'y pensais pas, j'utilisais n'importe quelle molécule, se souvient-il. Ils sont en vente libre, donc on peut les utiliser a priori sans se poser de questions. Après,  la montée en puissance de cette thématique-là dans la société, qui m'a fait aussi prendre conscience des choses.  Et puis après, mon histoire personnelle aussi, et des maladies neurodégénératives dans ma famille. "

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Combiner des pratiques agronomiques

Emmanuel Drique a commencé par limiter insecticides, régulateurs de croissance. Puis a diminué aussi l'usage d'engrais.
Un changement de taille dans ses habitudes de culture. "Faire différemment, c'est repartir à la base, à la base de l'agronomie. On a un grand nombre de cultures, diversifiées.  Donc déjà, on partage les risques et puis on va alterner les cultures d'hiver et les cultures de printemps.  Ce qui permet de rompre le cycle de toutes les maladies, des mauvaises herbes et des insectes.  C'est une stratégie d'évitement en fait et me permet d'avoir moindre recours aux produits phytosanitaires."

Dans toutes ces exploitations engagée dans la démarche, la baisse des pesticides s'est faite en combinant différentes pratiques agronomiques. Diversifier les cultures, mieux choisir les espèces, retarder les dates de semis. Pour mettre en oeuvre toutes ces solutions, le groupe bénéficie de l'accompagnement technique de Bertrand Omon. Mais pour lui, ce n'est pas l'aspect le plus difficile pour les agriculteurs. "Il n'y a jamais eu autant de travaux en agronomie disponibles, mobilisables par les agriculteurs et par les gens qui les accompagnent, pour effectivement changer la façon de cultiver.  Il n'y en a jamais eu autant, et ça c'est   grâce au plan Ecophyto, qui a financé beaucoup de travaux. En revanche, ce qui n'est pas facile, c'est de changer quand ce n'est pas du tout dominant, autour de moi dans le milieu professionnel.  C'est là que l'accompagnement et le collectif d'agriculteurs est important, pour affronter le fait de sentir quand même seul,  par rapport aux pratiques conventionnelles ."

Comme les autres du réseau Dephy, ces agriculteurs ont réduit drastiquement leurs usages des produits phytosanitaires. Sans perte économique.  La baisse de rendement constatée, autour de 10% est compensée par les dépenses évitées.
Malgré cela, la démarche intéresse insuffisamment déplore Vincent Leroux.
"On peut dire que le  point commun du groupe, c'est que nous sommes des agriculteurs d'un certain âge, avec une certaine expérience Je pense que les jeunes ont du mal à venir parce qu'il y a une pression économique, il y a plus d'endettement et pour eux, la technique paraît plus risquée.  Et pourtant, les résultats économiques sont satisfaisants. Après, il faut s'affranchir aussi du regard des autres ou de ses parents, parce que les jeunes agriculteurs travaillent quelquefois avec leurs parents qui eux, pratiquent autrement.  Les jeunes sont sensibilisés à cela  c'est certain.  Mais concrètement, ils ne le mettent pas en œuvre, je pense, pas assez."
Les vifs débats actuels autour du plan Ecophyto et de ses indicateurs montrent combien la baisse de l'usage des pesticides n'est pas encore un objectif massivement partagé.

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