Bergerac relève le DEPHY CA24
Ce réseau DEPHY est composé de fermes qui travaillent à l’évolution des pratiques agricoles tout en assurant la prospérité de leurs exploitations viticoles. Ces fermes ont exprimé le souhait de progresser de manière collective afin de diffuser les expériences partagées du réseau à l’ensemble du vignoble. Les problématiques sanitaires, économiques et agronomiques, auxquelles sont confrontées les membres du groupe, sont communes aux problématiques des fermes viticoles du vignoble de Bergerac.
Ce collectif de fermes est représentatives 11 exploitations viticoles. Les membres du groupe sont motivés par les échanges et habitués à travailler en collectif. Toutes les exploitations de ce groupe sont engagées dans des certifications environnementales comme AB ou HVE3.La dynamique du groupe a été forte et constante depuis 2016. Les progressions de chacun dans le changement de pratiques permettent de faire avancer le groupe, en apportant des références, des exemples, des retours d’expériences sur leurs problématiques actuelles.
Au terme de ces 5 ans, le groupe souhaite continuer de progresser en misant sur le collectif, en ayant la volonté de se réengager dans le dispositif DEPHY pour cinq années supplémentaires.
Cépages principaux : Merlot, Sémillon, Cabernet Sauvignon, Sauvignon, Malbec, Cabernet Franc, Mérille, Muscadelle…
Spécificités du groupe : les 11 fermes sont engagées dans des démarches environnementales
Lycées partenaires : Domaine de la Brie à Monbazillac
Partenariats locaux : Fédération des vins de Bergerac Duras et Interprofession des Vins de Bergerac Duras, les caves coopératives viticoles Bergeracoises…
Le regard de l'ingénieur réseau :
Le groupe DEPHY de la Chambre d’agriculture de la Dordogne est force de proposition et ne cesse de progresser pour aller vers des systèmes économes en produits phytosanitaires en alliant performance économique et préservation de la biodiversité. Chacun des membres du groupe amène sa plus-value et en fait profiter tout le monde même au-delà du groupe en ouvrant leurs portes aux professionnels et aux élèves et en étant engagé dans la transmission vers l’ensemble de la filière viticole et vers les lycées d’enseignements agricole.
Projet collectif du groupe :
Depuis sa création en 2016, l'ensemble du groupe travaille sur la qualité de la pulvérisation, qui est l'un des principaux leviers de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires. Cela passe par le réglage des pulvérisateurs pour mieux traiter et par la formation afin de devenir plus performant. Ils jouent également sur l’adaptation des doses avec les outils d'aide à la décision (OAD) de type Optidose et dernièrement Décitrait. De plus, l'achat de pulvérisateurs confinés pour 3 viticulteurs du groupe et/ou des panneaux récupérateurs est un des leviers actionné pour limiter la dérive et la perte de produits phytosanitaire. La plantation de variétés résistantes aux maladies chez un des viticulteurs est également un moyen efficace pour réduire drastiquement l'application de produits phytosanitaires sur ces parcelles (seulement 3 traitements) même les années à forte pression.
Le développement des couverts végétaux et engrais verts s'est généralisé et est devenu une pratique culturale à part entière mise en place désormais sur l'ensemble des fermes (selon les conditions climatiques de la saison). Les couverts contribuent à maîtriser les adventices, à favoriser une flore moins rustique et à développer la biodiversité. Les effets sur l'état organique du sol, sur la structure en limitant l'érosion et la compaction se révèlent très positifs. On note également des effets sur l'activité biologique du sol. Durant 5 années, des fosses pédologiques ont été ouvertes pour visualiser les effets des différentes couvertures végétales mises en place et analyser les profils pour une meilleure compréhension de leurs sols. Désormais, les exploitants vont se concentrer sur un diagnostic régulier de leurs sols grâce à l’outil BOCQS (développé par la CA33) qui permet d’auto diagnostiquer son sol de façon simple et rapide et ainsi de pouvoir adapter leurs stratégies de gestion.
Tous ces changements ne se sont pas fait du jour au lendemain mais en y allant étapes par étapes, à petite échelle, afin de vérifier des pratiques qui s’adaptent au mieux à leurs objectifs de production et leurs valeurs. Mais au vue des résultats au bout de 5 ans au niveau de la transformation et de la re-conception des fermes, c’est une richesse et une stimulation d’avancer avec eux et de faire partie de cette dynamique. On peut dire que le « DEPHY » est relevé pour ces 5 années mais qu’il reste du chemin à parcourir pour relever les autres défis actuels et à venir.
Thématiques principales du groupe :
Elles s’articulent autour de 3 grandes valeurs qui donnent du sens à leur travail.
1. L’adaptation au changement climatique pour assurer la pérennité de leurs exploitations.
2. Etre économe en produit phytosanitaires pour préserver la santé des opérateurs, des consommateurs et de l’environnement et favoriser la biodiversité.
3. Favoriser les équilibres agro-physico-chimiques en travaillant sur la conservation de leurs sols pour assurer la résilience de la plante.
Autres thématiques travaillées par le groupe et pistes innovantes explorées collectivement :
Premièrement, d’un point de vue Efficience :
S’approprier des outils d’aides à la décision.
Augmenter l’efficience de la pulvérisation
Tester les innovations : essais d’un robot autonome électrique de désherbage mécanique du cavaillon
Deuxièmement, d’un point de vue Substitution :
Développer et tester des produits de biocontrôle (confusion sexuelle, argile kaolinite, Bacillus thuringiensis, huiles essentielles d’orange douce...).
Enherbement en permanence sous le rang
Expérimenter des préparations naturelles peu préoccupantes
Troisièmement, d’un point de vue Re-conception :
Tester des variétés résistantes aux maladies et capable de s’adapter à l’évolution climatique.
Faire pâturer des brebis en intercultures, avec l’entretien de l’enherbement hivernal grâce aux brebis
Planter des parcelles en agroforesterie et favoriser la biodiversité paysagère
Résultats du groupe :
En 2016, sur les 12 fermes, une seule était certifiée AB et 3 étaient certifiées HVE3.
Désormais en 2023, une seule ferme est toujours en cours de conversion AB et les 7 autres sont certifiées AB et 3 sont conduites en HVE3.
Les dynamiques environnementales ont permis aux exploitations de devenir des systèmes plus économes en produits phytosanitaires. Certaines l’étaient déjà mais grand nombre d’entre elles le sont devenu depuis le démarrage du groupe.
D’un point de vue global, en termes de réduction d’intrants phytosanitaires, le groupe a réduit de façon significative son IFT (Indice de Fréquence de Traitement) depuis 2016, en partant de 12.9 en moyenne au point zéro global du groupe à 6.96 en 2023, contre une moyenne régionale autour de 16 d’IFT. Ils ont réussi ce challenge notamment via l’intégration du biocontrôle dans leur stratégie de lutte face aux maladies et aux ravageurs. En effet, l’IFT de biocontrôle est passé de 1.5 à 5.54 en 2023. Mais des moyens techniques ont également permis cette baisse grâce à l’acquisition de pulvérisateurs confinés, des OAD, de la mise en place de TNT (sur 5 fermes du groupe), de l’observation, de l’essai de produits alternatifs tels que les PNPP (préparations naturelles peu préoccupantes), de la plantation de variétés résistantes aux maladies mildiou/oïdium (1 ferme du groupe)…
Concernant les IFT du groupe, les valeurs fluctuent selon les années. Sur le graphique ci-dessous on peut voir les disparités entre les années « difficiles » comme 2023 (pression mildiou très élevée) et les années plus « faciles » comme 2022. Malgré ces écarts d’année en année, les systèmes restent économes en produits phytosanitaires et se situent toujours sous la moyenne régionale.
° Depuis 2016, l’IFT herbicide a chuté avec l'arrêt des herbicides pour 9 membres du groupe ce qui a permis de réduire l’IFT global.
° L’IFT insecticide a été réduit pour favoriser la biodiversité des fermes du groupe (objectif phare). Cela a pu être possible par la volonté des exploitations du groupe à tester des nouveaux moyens de lutte face aux ravageurs, par exemple, grâce à la mise en place de la confusion sexuelle, par l’utilisation de produits de biocontrôle comme l’argile kaolinite (insectifuge), les Bacillus thuringiensis dans la lutte contre les tordeuses ... Malheureusement, les traitements insecticides ne peuvent être à zéro pour cause de traitements de lutte obligatoire contre la flavescence dorée et la montée de la pression des tordeuses sur de nombreux secteurs.
° L’IFT fongicide représente une grande part de l’IFT total du groupe sur lequel il est possible encore de progresser. Il est donc primordial de poursuivre le travail sur les alternatives pour limiter le recours aux fongicides. Des leviers ont été mis en place très vite, comme par exemple l’utilisation du soufre (bio contrôle) dans la stratégie anti fongique sur toutes les fermes, des outils d’aide à la décision pour optimiser les interventions fongiques, des essais sur l’efficacité de produits alternatifs tels que les PNPP (préparations naturelles peu préoccupantes) chez 2 fermes du groupe, la plantation de variétés résistantes aux maladies (mildiou / oïdium) sur 1 ferme du groupe.
Témoignage de la structure :
La filière viticole Bergeracoise est très attachée à l'image qu'elle véhicule au sein de son territoire. C'est ainsi que plus de 21 % du vignoble est en agriculture biologique, et que nombre d'entreprises viticoles sont engagées dans des démarches environnementales. L'ensemble des connaissances acquises dans le cadre de ce réseau Dephy participera à développer des pratiques plus respectueuses de l'environnement sur l'ensemble du vignoble Bergeracois. C’est pourquoi la Chambre d’agriculture de Dordogne s’est engagée à animer ce groupe tourné vers des mesures d’agroécologie.
Jean François GAZARD MAUREL
Responsable Professionnel Pôle Productions Végétales - Chambre d’agriculture de Dordogne