FERME DEPHY EST GIRONDE
Le groupe FERME DEPHY Est Gironde est composé de 13 exploitations viticoles. Il se situe à l'Est de Bordeaux, de St Emilion aux Côtes du Marmandais, en passant par l'Entre-Deux-Mers et le Sauternais.
Ce qui fait sa force ?
Sa diversité. Ces 13 fermes produisent 14 AOP, 1 IGP et du VSIG, vendus au négoce, en vente directe, CHR, GMD ou en cave coopérative. Leurs vignobles s'étendent de 10 ha à 480 ha avec des densités qui varient de 3300 à 7300 pieds/ha. A l’image des appellations produites, les cépages sont nombreux : plus d'une 20aine sont cultivés, associés de plus en plus à des porte-greffes vigoureux et tolérants à la sécheresse.
Quel est son recours aux phytos ?
Sur la période 2016- 2020, l’IFT total moyen du groupe est de 11.0, produits de biocontrôle compris (soit un IFT Total hors biocontrôles de 7.65). Le groupe a réussi à dépasser son objectif de réduction des produits phytosanitaires fixé en 2016 (à -18%) en les baissant de 20 %. Les échanges au sein du groupe ont permis aux fermes rentrées en 2016 de bénéficier des expériences des plus anciennes pour atteindre un niveau de recours aux phytos équivalent. L’enjeu pour 2026 sera de maintenir ces niveaux bas tout en intégrant les exploitations arrivées en 2021.
La thématique qui les rassemble ?
Depuis 2016, les viticulteurs du groupe ont peu à peu fait évoluer leur regard sur l’herbe. Après 5 années de travail du sol à tester des décavaillonneuses, des lames, des disques émotteurs, des étoiles kress, etc ... le groupe constate que l’entretien mécanique du cavaillon a ses limites : la taille des vignobles, l’augmentation du temps de travail et le nombre de tractoristes expérimentés nécessaires, ou encore la concurrence des chantiers en juin… Il ne peut satisfaire toutes les situations. Certains ont choisi d’accepter la présence d’herbe sous le rang lors des printemps humides, en la gérant avec des désherbeuses mécaniques, quand d’autres souhaitent sa présence tout au long de l’année. Mais comment réussir à compenser la concurrence en eau et en azote dans ce cas ?
C’est tout l’enjeu du projet du groupe pour la période 2022 – 2026. Il s’attachera à repenser la manière dont les vignobles sont conduits pour réussir à implanter des couverts végétaux sous le rang, tout en maintenant la vigueur et les rendements.
Principaux cépages : Merlot, Cabernet Franc, Cabernet sauvignon, Malbec, Sauvignon blanc et gris, Sémillon, Muscadelle
Cépages secondaires : Petit Verdot, Carménère, Abouriou, Castet
Variétés résistantes : Sauvignac, Souvignier Gris, Floréal, Muscaris, Cabernet Jura
Spécificité du groupe : Travail du sol, couverts végétaux, approche système pour compenser la concurrence hydro-azotée des couverts végétaux et s'adapter aux changements climatiques
Le regard de l'ingénieur réseau :
En reprenant l'animation en 2014, la première étape a été de créer une dynamique de groupe. Pour y arriver, je me suis appuyée sur les attentes de chaque viticulteur et un bilan des activités du groupe des 2 premières années. En réunissant les viticulteurs après une saison à les accompagner individuellement, j'ai pu définir avec eux le mode de fonctionnement du groupe et identifier puis prioriser les problématiques communes.
Depuis 2016 le groupe est composé de viticulteurs dynamiques, innovants et sachant remettre leurs pratiques en question. L'arrivée en 2021 de 4 exploitations l'ont enrichi. Les rencontres et les travaux du groupe se concentrent autour de 2 problématiques :
- "Comment optimiser la protection du vignoble contre les maladies (principalement mildiou, oïdium et black rot) ?" Car les fongicides représentent 80% des phytos employés ;
- Et "comment gérer le vignoble sans herbicide tout en préservant la vigueur, les rendements et les sols ?" car dès 2014 les viticulteurs percevaient la nécessité d'anticiper l'arrêt du glyphosate, 1er herbicide employé au sein du groupe.
En plus des restrictions réglementaire, les herbicides présentent d'autres effets indésirables pour les viticulteurs. Ils banalisent la flore adventice en favorisant des espèces vivaces et concurrentielles (Maillet 2006) et sélectionnent des populations résistantes (International Survey of Herbicide Resistant Weeds) - par exemple l'emploi répété de glyphosate sélectionne la Mauve, les Géraniums et la Scabieuse dans les vignobles français (Maillet, 2006). L'application de doses réduites risque d'accélérer le phénomène. Trouver des gestions de sols alternatives devient indispensable.
Pour la période 2022 - 2026, le groupe va poursuivre ces 2 axes, en explorant davantage l'enjeu de l'arrêt des herbicides à travers les couverts végétaux sous le rang, la fertilité du sol et l'adaptation au changement climatique.
Projet collectif : Quelles gestions des sols sans herbicide en Gironde ?
Arrêter les herbicides sous le rang soulève en plus des questions techniques, économiques et organisationnelles, une question plus personnelle qui est le regard que chaque viticulteur porte sur l’herbe. Elle est culturellement et agronomiquement considérée comme mauvaise, sale et concurrentielle. « Une vigne bien travaillée est une vigne propre ». C’est une des raisons qui explique l’engouement du travail mécanique comme 1ère alternative et le frein à adopter l’enherbement sous le rang.
En 5 ans ; les viticulteurs du groupe ont peu à peu fait évoluer leur regard sur l’herbe. L’un d’entre eux, Bernard Gorioux, disait lors d’une table ronde au Colloque DEPHY Viticulture 2017, qu’arrêter les herbicides c’est apprendre à tolérer l’herbe. Après 5 années de travail du sol, le groupe décide d'explorer les couverts végétaux sous le rang comme autre alternative aux herbicides.
En transférant leurs expériences, les viticulteurs du groupe partagent aussi l’évolution de leur perception de l’herbe. En la connaissant et en la choisissant, certains arrivent à s’en faire une alliée. C’est tout l’enjeu de ce projet.
Des expériences individuelles sur lesquelles s’appuyer
Fabien Tarascon gère ses cavaillons par de l’enherbement semé et naturel permanents depuis 2008. Il le combine à des engrais verts hivernaux, de l’enherbement naturels dans les inter-rangs et des apports d’engrais organique (15-20 UN / an). Il produit en moyenne 50 hl/ha. Regarder ou lire son témoignage.
Victor Moreaud fait partie de 2 projets d’expérimentations : ESSOR et VERTIGO où des enherbements semés sous le rang sont testés en combinant des semis d’engrais dans les inter-rangs et des fauches hautes et tardives.
Hélène Gorioux a choisi de laisser pousser l’enherbement naturel temporairement sous le rang au printemps (avril à juin) car cette saison est traditionnellement humide en Gironde. Elle la gère en passant une désherbeuse mécanique (autoconstruit) pour contrôler la hauteur et éviter de créer un environnement plus humide favorable au mildiou. A l’arrivée de l’été, Elle le détruit en travaillant mécaniquement (disques émotteurs ou lames inter-cep).
Thématiques principales du groupe :
1. Recherche de gestions des sols sans herbicide (combinaisons de pratiques pour compenser la concurrence de l'herbe et optimiser les coûts / temps de travail, stratégies 100% couverts végétaux)
2. Suivi des changements de pratiques (réussites/ freins/ perspectives)
3. Analyse des conséquences économiques, organisationnelles et environnementales de ces changements sur les exploitations
Autres thématiques travaillées par le groupe et pistes innovantes explorées collectivement
1. Optimisation de la lutte contre les maladies fongiques :
- Qualité et rapidité des traitements (réglages, pulvérisation confinée, type de pulvérisateur…)
- Outils d’aides à la décision (Modélisation, Optidose, Mildium et DECITRAIT),
- Réduction de l’impact sur la santé et l’environnement (AB, 0 CMR, biocontrôle),
- Echanges sur les stratégies et les décisions (réunions téléphoniques, bilans de campagne individuels et en groupe).
- Vérification et échanges sur la qualité de pulvérisation des appareils du groupe
- En savoir + sur la méthode d'accompagnement : cliquer ici
2. Alternatives aux insecticides : argile kaolinite, talc, confusion sexuelle
3. Cépages résistants :
- Premières parcelles plantées en 2014
- 2022 : 16 ha répartis sur 2 fermes
- 4 cépages blancs :Muscaris, Floreal, Sauvignac, Souvignier Gris et 1 cépage rouge : Cabernet Jura
- En savoir + sur les variétés résistantes et l'expérience des Vignobles Ducourt : cliquer ici
Résultats du groupe
En comparant la moyenne des IFT hors biocontrôle de 2020-2022 avec l'état initial à l'entrée dans le réseau, le groupe a réduit sont recours aux produits phytosanitaires (hors biocontrôle) de 41%. En parallèle, son utilisation des produits de biocontrôle varie peu et oscille selon les millésimes entre 2.5 et 4 points d'IFT.
Les années 2018, 2020 et 2021 ont pour point commun d'avoir été très pluvieuses et par conséquent très favorables au développement du mildiou. Les IFT hors biocontrôle en 2018, 2020 et dans une moindre mesure 2021 sont plus élevées que les autres millésimes. Ces hausses sont liées à 2 facteurs :
- Les fongicides représentent 80% des IFT, et ceux contre le mildiou 50% ;
- Les viticulteurs du groupe protègent le vignoble en prévention des contaminations et adaptent leurs traitements (nombre et doses) en fonction de la pression.
En se référent à la dernière enquête des pratiques phytosanitaires (AGRESTE, décembre 2021 n°19), en 2019 le groupe a un IFT hors biocontrôle 45% inférieur à celui du vignoble bordelais (IFT hors biocontrôle de 12.1). Son recours aux produits de biocontrôle est quant à lui semblable (IFT biocontrôle vignoble bordelais = 2.9).
En savoir + :
- sur l'Indice de Fréquence de Traitements (IFT) : cliquer ici
- consulter les bilans de campagne annuels du réseau DEPHY FERME pour la filière viticulture : cliquer ici
La presse en parle :
Château Cormeil-Figeac - Témoignage de Victor Moreaud à la conversion en AB :
- France bleu : https://www.francebleu.fr/infos/agriculture-peche/chateau-cormeil-figeac-a-saint-emilion-le-choix-de-la-conversion-en-bio-1573396180
- France 5 "la quotidienne" : https://youtu.be/p3YoiuVfD6o
Vignobles Ducourt - Arté Xenius - Cépages Résistants
Château Bois Beaulieu - Test du slip & fertilité des sols
https://www.sudouest.fr/2019/04/17/six-slips-enfouis-au-service-de-la-fertilite-5995921-3755.php
Témoignage de la structure :
De nombreux efforts ont déjà été faits pour réduire l'usage des phytosanitaires, et les changements de pratiques et de mentalités sont réels. L'usage de témoins non traités et des principes de lutte raisonnée ont été un déclencheur de ce changement. Pour aller encore plus loin, il faut un second souffle. C'est pourquoi l'animation de groupes DEPHY est essentielle pour que les viticulteurs trouvent une écoute, un partage et un échange d'expérience qui puissent renforcer leur confiance et leurs choix, et les aider à trouver de nouvelles solutions collectivement.