Projet Sys'NOIX
Le projet Sys’NOIX a pour vocation l’expérimentation et l’évaluation agronomique, économique et environnementale de deux systèmes en vergers de noyers : l’objectif est de réduire de plus de 50% les IFT tout en assurant la pérennité des systèmes testés. Ce projet est né de la volonté d’appuyer le réseau DEPHY FERME Noix et plus généralement la profession nucicole sur ces changements de pratiques.
Enjeux et objectifs
La culture nucicole est en pleine expansion ; de 2000 à 2010, les surfaces françaises dédiées à la nuciculture ont augmenté de près d'un quart. Avec plus de 20000 hectares cultivés et une production de 38000 tonnes par an, le noyer est la seconde espèce fruitière plantée en France derrière la pomme.
Parallèlement à l'augmentation de la surface nucicole, l'impact environnemental potentiel des vergers de noyers est également croissant. Lors d’une étude menée entre 2008 et 2011 (Zavagli et al, 2011) par le Ctifl, l’IFT (Indice de Fréquence de Traitement) moyen en nuciculture était de l’ordre de 5±3 à 7±4 IFT (hors biocontrôle) selon que l’on soit sur une variété traditionnelle type Franquette ou une variété avec une conduite intensive type Lara. Cet IFT peut paraître faible au premier abord par rapport à d’autres filières arboricoles telles que la pomme. Toutefois, il a plutôt tendance à augmenter ces dernières années face à l’arrivée de bioagresseurs émergents (la mouche du brou Rhagoletis completa en 2007 et le champignon du genre Colletotrichum en 2011).
La SENuRA (station d'expérimentation nucicole) travaille depuis longtemps maintenant à l’introduction de méthodes de substitutions (confusion sexuelle du carpocapse), d'efficience (modèle anthracnose) ou des méthodes culturales (rôle de l'alimentation nutritionelle et hydrique dans l'expression de la bactériose) visant à réduire le nombre de traitements phytosanitaires. Ces essais étaient jusqu’à présent des essais factoriels. Depuis 2015, des essais plus systémiques (Simon et al, 2013), appelés « essais bas intrants », ont été mis en place chez des nuciculteurs. Toutefois, la prise de risque sur ces essais, gérés en collaboration avec les producteurs, reste faible et joue surtout sur des méthodes d’efficience ou de substitution. C’est également le cas dans le cadre du réseau DEPHY FERME Noix mené par la Chambre d’agriculture de l’Isère, où une réduction des IFT supérieure à 20% est difficilement envisageable.
C’est pourquoi la SENuRA, appuyée par la Chambre d’agriculture de l’Isère et en coordination avec le Ctifl, a mis en place à plus grande échelle ce type d’essai système avec une prise de risque assumée en termes de réduction des produits phytosanitaires. L’objectif de ces essais est d’évaluer la possibilité de diminuer de manière drastique le recours aux produits phytosanitaires tout en garantissant la pérennité économique et social des systèmes de production. Par rapport à l’IFT recensé entre 2008 et 2011, une réduction de 50% (pression forte) à 100% (pression faible à moyenne) des insecticides et des herbicides, et une diminution d’au moins 50% des fongicides sont envisagées sur ces systèmes. A terme, les leviers d’action mis en place dans ces systèmes ont vocation à être testés à plus grande échelle chez des producteurs dans le cadre des «essais bas intrant » ou du dispositif DEPHY FERME, et plus largement à être diffusés à l’ensemble de la profession.
Cependant, cette problématique doit être abordée en prenant en compte les spécificités de la culture nucicole par rapport aux autres cultures arboricoles à savoir une mise à fuit lente (minimum 6 ans) et une longévité importante des vergers (plus de 25 ans). C’est pourquoi, il n’est pas possible dans un laps de temps de 6 ans de partir d’un nouveau verger et d’obtenir des résultats pertinents. De plus, les 10 000 hectares plantés actuellement dans la zone sud-est sont encore là pour de nombreuses années. Il est important de trouver des solutions pour ces vergers pour avoir un effet réel sur la baisse d’intrants.
Stratégies testées
Pour répondre à cet objectif de diminution des IFT, La SENuRA a mis en place deux "observatoires pilotés " sur un verger de Franquette et un verger de Lara. Ces variétés représentent actuellement les deux principaux segments de la filière. Franquette est la variété au cœur de l’AOP noix de Grenoble et des vergers traditionnels de la région. La variété Lara quant à elle correspond à un segment en développement actuellement basé sur un système plus intensif. Chacun des observatoires pilotés est constitué d’une grande parcelle séparée en deux ; sur l’une des sous-parcelles est implanté le système Sys’NOIX décrit après et sur l’autre partie est conservé le système de culture du producteur accueillant l'essai.
Les deux systèmes Sys’NOIX, évolutifs dans le temps sont constitués d’un ensemble de leviers d’action appliquant les principes de la protection agroécologique des cultures pouvant être classés en cinq catégories : aménagement favorisant la lutte biologique par conservation (couverts végétaux, noisetiers sur les rangs de noyer…), prophylaxie (broyage des feuilles en hiver...), méthode culturale (taille sévère pour aérer le verger, optimisation de l'irrigation...) évaluation des risques (pièges connectés, suivi des modèles de risque à la parcelle) et technique de substitution aux produits phytosanitaires (confusion sexuelle, piégeage massif). | |
Pour le système testé sur la variété Lara, ces leviers sont jugés insuffisants. En effet, ces systèmes intensifs se dirigent vers une augmentation des IFT, pour juguler les problèmes émergents tels que la mouche du brou ou le Colletotrichum. C’est pourquoi, inspiré par les expériences en pomme ou en cerise, sur cette parcelle un dispositif de bâches anti-pluie et de filets anti-insectes a été mis en place. Cependant, ce dispositif, sur des arbres de haut jet tel le noyer pouvant monter à plus de 15m, nous amène à repenser en profondeur notre vision du verger nucicole. |
Résultats attendus
Le principal résultat attendu est de montrer qu’il est possible techniquement de faire avec moins, voire sans produit phytosanitaire et de mettre en avant les conséquences :
- Economiques : Ces systèmes soit-il pérennes d’un point de vue économique pour les producteurs et sous quelles conditions de production ?
- Environnementales : Ces systèmes permettent il d’améliorer la qualité de l’environnement ?
- Écologique : Quelles améliorations apporte-t-il au niveau de la biodiversité fonctionnelle ?
- Sociales : Quelles sont les répercussions sur l’organisation du travail des producteurs ?
- Sociétales : Quelle serait l’acceptation de ces systèmes par la société civile et professionnelle ?