Fermes DEPHY: La pomme des Hautes Vallées
Situé dans les Hautes-Alpes et le Nord Sisteron, le groupe est engagé dans le réseau DEPHY depuis 2012 dans le but de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques. Il est composé de 10 arboriculteurs répartis sur la vallée de la Durance, la vallée du Buëch et sur les hauteurs de Gap. Les profils sont diversifiés en termes de modes de production (PFI, AB, mixte), de valorisation (commercialisation via les structures collectives, magasins de producteur, marchés, avec ou sans transformation), et de surfaces (de 15 à 90 ha). Leur atelier principal est la production de pommes, mais la majorité d'entre eux produisent également des poires. Parmi eux, 6 exploitants sont adhérents à une OP et 4 sont "indépendants". La grande majorité des arboriculteurs du groupe est agréé en PFI (Production Fruitière Intégrée), avec la mise en œuvre de la démarche « vergers éco-responsables » de l’ANPP (Association Nationale Pomme Poires) et/ou certifiée HVE (Haute Valeur Environnementale). De plus, 9 exploitations ont une partie de leur verger voire la totalité en AB. Il s’agit des vergers avec des variétés résistantes aux races communes de Tavelure (Opal®, Story, Juliet®, …)
Cultures principales : Pommier en PFI, en AB et poirier
Spécificités du groupe : Majoritairement des pommes de variété Golden, vergers d'altitude, isolement du territoire
Partenariats locaux : Station expérimentale La Pugère, ensemble des groupes DEPHY Fermes en fruits à pépins.
Regard de l'ingénieur réseau :
Les producteurs du groupe pratiquent déjà des méthodes de réduction des produits phytopharmaceutiques reconnues comme la réduction des doses de cuivre, la confusion sexuelle, l’utilisation de produits de biocontrôle. Le groupe DEPHY Pommes des Hautes-Vallées a pour objectif de réduire les interventions (ou les maintenir pour les plus bas) tout en conservant la rentabilité de l’exploitation face à l’augmentation de la pression sanitaire (arrivée de nouveaux bioagresseurs comme la punaise diabolique), du coût de la main d’œuvre et des impasses techniques qui se profilent pour certains bioagresseurs.
Ces rassemblements sont aussi l'occasion d'échanger et de diffuser de la connaissance scientifique sur des techniques alternatives ou des évolutions du système de production au sein du groupe, mais également à l'ensemble de la filière pomme du territoire.
Co-construire la maîtrise des pucerons du pommier
A l’heure actuelle, les pucerons sont maîtrisés dans les vergers grâce :
- à l’azadirachtine (NEEMAZAL, OIKOS) en AB, efficacité en essai entre 80-90% (données station expérimentale de la Pugère)
- au spirotétramate (MOVENTO) en PFI, efficacité en essai entre 90-100% (données station expérimentale de la Pugère)
Mais l’avenir de ces deux produits est compromis. L’azadirachtine est sous régime dérogatoire depuis des années sans pour autant obtenir une homologation pour cet usage. Le spirotétramate (MOVENTO) est homologué jusqu’en 2024 mais la société a annoncé son intention de ne pas soutenir sa ré-homologation dans notre pays. La maîtrise des pucerons risque de devenir problématique. Il est donc essentiel d’anticiper et de commencer à modifier la stratégie de gestion des pucerons.
Thématiques principales du groupe
L’objectif est de co-construire la maîtrise des pucerons du pommier et du poirier. La finalité est de proposer différents leviers pour gérer les pucerons en identifiant les conditions de mise en place, d’efficacité, de coûts et de transférabilité.
Les deux principaux leviers travaillés seront :
- La limitation du vol retour du puceron cendré en pommier et du puceron mauve en poirier
Le puceron cendré et le puceron mauve reviennent pondre dans les vergers à l’automne. Dans un premier temps, il faut déterminer le vol retour des pucerons sur notre territoire. De nombreux essais ont été réalisés par la Pugère sur la défoliation précoce afin de limiter les pontes des pucerons lors de leur vol retour. Ce levier a été développé dans le Sud PACA mais il est peu pratiqué sur nos vergers alpins. Des produits de biocontrôle sont également testés en station expérimentale dans la limitation du vol retour des pucerons notamment les sels potassiques, avec des résultats d’efficacité prometteurs. Ils pourront être mis en place dans la stratégie.
Sous objectifs / finalités : Identifier le vol retour des pucerons à l’automne, étudier la pratique de la défoliation foliaire techniquement et économiquement, identifier et étudier des produits de biocontrôle dans la réduction des pontes.
- Les infrastructures agroécologiques : bandes enherbées
Les infrastructures agroécologiques sont aussi bien les bandes enherbées que les haies. Ces plantes de services ont divers rôles : maintien des auxiliaires, recours à la régulation naturelle … En effet, l’aménagement d’un environnement favorable à la vie de la faune auxiliaire (haies composites, murets, bandes enherbées fleuries…) est un point clé dans la régulation des ravageurs. Si on favorise, par des équipements agroécologiques adaptés, la présence précoce de cantharides, puis ensuite de coccinelles, d'hyménoptères, d'hémiptères et d'araignées, un effet intéressant est obtenu sur l’équilibre entre ravageurs et insectes auxiliaires. Cependant, il faudra être très vigilant et attentif à l’arrivée des nouveaux ravageurs issus d'Asie, comme la punaise diabolique (Halyomorpha halys) qui n’a actuellement aucun régulateur naturel en Europe. On se concentrera sur les bandes enherbées.
- Sous objectifs / finalités : Identifier les espèces à planter dans les bandes fleuries, savoir où les mettre en place dans les parcelles, observer la présence et la dynamique des auxiliaires dans les bandes fleuries.
L’utilisation des produits de biocontrôle en substitution dans la stratégie de maîtrise des pucerons sera également étudiée. En fonction de l’évolution du projet, des tests de lâchers massifs d’auxiliaires (syrphes, chrysopes…) pourront être envisagés.
L’IFT insecticide/puceron varie entre 2 et 4 en fonction de la pression et du mode de conduite. Cela représente la plus grosse partie des IFT insecticides totaux. La mise en place de leviers alternatifs peut potentiellement faire réduire l’IFT insecticide/puceron entre 1 et 3 en fonction de la pression et du mode de conduite. L’approche économique et humaine des leviers va également permettre de déterminer la facilité de transfert des leviers alternatifs dans la gestion des pucerons.
Au cours de l’année 2023, nous avons continué à travailler sur du projet du groupe DEPHY sur la gestion des pucerons en verger et comment le maîtriser dans l’avenir face à la perte de nombreuses solutions. Des observation des pucerons et de leurs auxiliaires à travers des observations, des frappages ont été réalisés. Des essais de lutte à l'automne ont été mis en place. Johanna VILLENAVE-CHASSET, entomologiste spécialisée dans le milieu agricole est également intervenue pour présenter les cycles des différents auxiliaires et les moyens de les favoriser.
Autres thématiques travaillées par le groupe :
- Gestion de la charge par éclaircissage mécanique
- Gestion de l'inoculum de tavelure pendant l'hiver
Depuis le point zéro (2010-2011-2012), l'IFT moyen du groupe a baissé de 44%. Cette baisse est notamment du à la substitution par des produits de biocontrôle.
Depuis 2018, le groupe a atteint un plateau avec une moyenne variant entre 14 et 16 selon les années. Cela a du aux spécificités et aux pressions des différentes bioagresseurs.
Lorsqu’on regarde en détails les différents traitements fongicides, on remarque que de plus en plus d’interventions contre la tavelure sont associées à un adjuvant.
Témoignage de la structure:
"Le verger alpin est un bassin de production de pommes et de poires de qualité. La pomme des Alpes (Golden) bénéficie grâce à son terroir spécifique de montagne d'une IGP et d'un Label Rouge. Le rôle de la Chambre d'Agriculture est d'accompagner les producteurs dans leur changement de pratiques, de les sécuriser et de transférer les innovations. Le réseau de fermes DEPHY composé d'arboriculteurs en PFI et mixte PFI/AB est un des outils pour atteindre cet objectif et de pérenniser une arboriculture écoresponsable".
Laurent Gabet, Vice-Président de la Chambre d'Agriculture des Hautes-Alpes
Technique pratiquée par certains membres du réseau DEPHY
Le replay est disponible : https://youtu.be/hFOC8LgVe94