Réduction des phytos
Dephy Expe 2, des résultats satisfaisants, mais des compromis à trouver

Passage de herse étrille
Pour limiter le recours aux produits phytos, le réseau Dephy Expe teste différents leviers : biocontrôle, prophylaxie, couverts végétaux, adaptation de la fertilisation, désherbage mécanique, etc. (©Nadège Petit/Banque d'images FranceAgriTwittos)

Douze ans après sa création, le réseau Dephy Expe a présenté les résultats de sa deuxième phase, lors d’un colloque aux Chambres d’agriculture, le 16 mai. Déployé parallèlement au réseau Fermes Dephy, qui compte 2 000 exploitations engagées de façon volontaire dans la réduction des produits phytosanitaires, Dephy Expe est un programme expérimental de systèmes agronomiques innovants.

« La particularité du réseau Expe est de soutenir pendant des périodes longues, six ans, des expérimentations dans des conditions proches des systèmes de production, introduit Cyril Kao, adjoint du directeur général de l’enseignement et de la recherche au ministère de l’Agriculture. L’objectif est de tester et d’évaluer les combinaisons innovantes, les leviers et d’en faire un vecteur de transfert vers le terrain, notamment vers le réseau Dephy Fermes. »

Dephy Expe 2 : une baisse minimale de 50 % des IFT

Si la première vague de projets Dephy Expe, de 2012 à 2018, avait permis de prouver la faisabilité d’itinéraires techniques aux IFT réduits, les projets menés au cours de la deuxième vague avaient pour objectif d’aller bien plus loin, en n’utilisant des pesticides qu’en dernier recours, avec une baisse minimale de 50 % de l’utilisation de phytosanitaires.

41 projets, portés par différents acteurs du monde agricole (chambres d’agriculture, instituts techniques, IFV, Fnams, Cirad etc) ont été lancés en 2018 ou 2019, au sein de 200 sites expérimentaux. Ils couvrent l’ensemble des productions végétales : grandes cultures, cultures légumières et industrielles, vigne, arboriculture, horticulture, cultures tropicales et multi-filières.  23 arrivaient à échéance au printemps 2024, et 18 se termineront en décembre.

Les coûts et les rendements impactés

Biocontrôle, prophylaxie, couverts végétaux, adaptation de la fertilisation, rotations, ou amélioration génétique, les leviers mis en œuvre sont nombreux. « Certaines stratégies sont tout à fait performantes en ce qui concerne la baisse d’IFT, la productivité, et la rentabilité, pointe Emeric Emonet, animateur du réseau Dephy Expe. Cependant, c’est rarement à coût ou à rendement constants. » Ainsi, le projet Agrosem, mené par la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences, Fnams, dans le Maine-et-Loire, le Gers et l’Aude a permis de produire des semences de blé, luzerne, betterave, carotte, haricot et oignon sans produit phytosanitaire de synthèse. Mais les rendements ont reculé de 7 % par rapport aux systèmes de référence, tandis que la consommation de carburant a augmenté en raison du désherbage mécanique et surtout, le temps de travail a doublé.

Le projetSyno’Phyt, mené par la chambre d’agriculture de Bretagne, et imaginé comme des exploitations de grandes cultures comportant un atelier porc ou volaille, a testé trois systèmes de culture, avec une réduction d’IFT à 50 %, 75 % et 100 %. Chaque système comporte des avantages et des inconvénients. Alors que le premier affiche de bons résultats et une maîtrise des adventices, mais un temps de travail plus long, le deuxième présente de meilleurs rendements et un temps de travail plus court, mais une marge directe moyenne plus basse. Quant au  système sans pesticides de synthèse, il dégage une marge directe moyenne haute mais très variable, un salissement important des parcelles et nécessite un labour annuel.

Le partage du risque, une nécessité pour la massification des systèmes

« Nous avons identifié de nombreux leviers de progrès, résume Virginie Brun, cheffe de projet Dephy Ecophyto et responsable de la cellule d’animation nationale Dephy. Mais il y a certainement des compromis à trouver. Le partage du risque devra être discuté pour que ces pratiques puissent passer à l’échelle supérieure. » La stratégie Ecophyto 2030 a prévu un budget de 90 M€ pour des dispositifs innovants de financement du risque en agroécologie. Pourtant, les porteurs de projets Dephy avaient déjà essayé de se pencher sur la question.

Ainsi, le projet MiniPest a été lancé par la chambre d’agriculture du Pas-de-Calais pour réduire les IFT des cultures industrielles : pommes de terre, betteraves, oignons et céréales. Après des premiers résultats satisfaisants en termes de baisse des produits phytosanitaires, les porteurs de projets arrivent à la conclusion qu’il est nécessaire d’impliquer les filières industrielles, pour inclure ces bonnes pratiques dans les cahiers des charges. « Des sociétés comme Bonduelle et McCain, qui sont des multinationales, trouvent nos travaux très intéressants mais pour faire bouger les lignes c’est très compliqué, explique Bruno Pottiez, de la chambre d’agriculture du Pas-de-Calais. Ce sont des pro du process, de la qualité, de l’organisation et de la logistique. Ils veulent un volume constant, zéro défaut. Alors partager le risque, nous n'avons toujours pas réussi à les en convaincre. »

Dephy Expe 3 en préparation

Alors que la deuxième vague de projets arrive à son terme, Dephy Expe 3 se met en place. Un temps remis en question par l’élaboration de la nouvelle stratégie Ecophyto, le programme va quand même se poursuivre. Un nouvel appel à projets a été lancé en février 2024, et clôturé en avril. 50 projets ont été déposés, et seront évalués par un jury dédié. Les projets retenus devront alors élaborer un dossier pour septembre, et les lauréats seront officiellement annoncés en décembre 2024. La moitié des 50 candidats sont des programmes de Dephy Expe 2 qui souhaitent poursuivre leurs expérimentations. Dephy Expe dispose d’une enveloppe de 21 M€ par phase de six ans, financée par la redevance pollution diffuse.

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